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l'encre rouge
3 décembre 2005

Un jour... Peut-être.

Le vent brisait les feuilles, la pluie crépitait aux carreaux des fenêtres. Les portes claquaient quand l’air froid et rapide s’engouffrait dans les appartements de l’immeuble. Mais ce n’était ni le vent ni la pluie qui assourdissaient les esprits, mais bien les deux voix du premier.

« - Tais toi ! Mais tais toi ! Tu n’as pas le droit de dire ça ! fit Angèle, les yeux inondés de larmes, le cri vibrant, les membres tremblants.

- Angèle, je t’en supplie calme toi. Ne t’énerve pas.

- C’est facile à dire, as-tu seulement entendu ce que tu as dit ?! »

L’homme qui se trouvait en face d’elle l’exaspérait, l’outrageait. Il ne pouvait pas comprendre. Il ne pouvait pas se mettre à sa place. Elle n’accepterai pas.

« - Mais enfin, reprit son compagnon, tu sais très bien ce qui arrivera. Je ne peux pas te laisser faire ça.

- Tu n’as aucun droit sur moi ! Comment oses tu me dire ce que je dois faire ? C’est à moi de décider. Tu n’es pas concerné. C’est moi qui le porte !

- Un enfant ça se fait à deux ! J’estime que j’ai mon mot à dire. A deux tu entends ?! Tu n’y survivras pas !

- Laisse moi essayer ! Laisse moi essayer… »

Les larmes reprirent, les cris cessèrent. Angèle tremblait de colère, de rage, de désespoir. L’eau salée de ses yeux coulait le long de ses joues, cascade de tristesse et pluie d’abandon. Elle le regarda, le regard vide, les cheveux humides, la bouche secouée de froid. Il compris à ses yeux qu’elle acceptait. Il s’approcha lentement d’elle les bras en avant prêt à l’accueillir. Elle s’y jeta, les bras accrochés à son cou, la tête repliée sur son épaule, la respiration saccadée. Il tenait tellement à elle, si fragile, si faible au moindre effort. Non, ils ne pouvaient pas faire ça.

« -On ne peut pas, murmura-t-il à son oreille. On ne peut pas encore. Attends d’être guérie mon amour. J’attendrai avec toi.

- Je ne serais jamais guérie… tu le sais.

- Un jour… Peut-être. Ne dis pas ça, tu peux guérir, laisse toi le temps. Tu seras mère, je te le promets. Mais ne vas pas te perdre sur une route inaccessible.

- Un jour…Peut-être », répéta-t-elle. 

Et elle pleura. Elle pleura jusqu’à tomber de fatigue. Il la porta jusqu’au lit, la déposa délicatement à sa place et l’allongea confortablement. En rabattant les draps sur son corps meurtri, son regard s’arrêta sur une bosse au niveau de la poche de son pantalon. Il y plongea la main. Une barre en plastique blanc s’allongea dans sa main. Une petite croix bleue brillait en son extrémité. Bleu pour positif.
Le bleu, pourtant la couleur de la sérénité, avait alors le visage sadique de celui qui vient tout détruire.

Laissant dormir Angèle, il sortit de la chambre, prenant bien soin de refermer la porte. La cuisine l’accueillit. Il se dirigea vers la poubelle et en un dernier geste, jeta ce bleu sadique, ce bleu destructeur. Un jour, se promit-il, ce bleu serait serein, espérant de heureux. Et la vie vaincra, le temps qu’il faudra. Un jour… Peut-être.

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