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l'encre rouge
8 décembre 2005

Une ange déchue

J’ai suivi maman de l’hôpital à la maison en priant pour qu’elle ne rencontre aucune voiture. Mais non, elle est rentrée sans encombres, juste les yeux ruisselant de larmes, la voix cassée d’avoir tant crier pour me rappeler et les mains tremblantes attaquées par le stress et la tristesse. Elle est sortie de la voiture, doucement, lentement, comme si chaque pas qu’elle faisait la raccrochait à la douloureuse réalité. Elle a cherché ses clefs dans son sac et a due s’y remettre à deux fois avant d’enfin réussir à ouvrir la porte. Elle est restée dans l’entrée, le visage rouge, la respiration lente. La porte s’est refermée toute seule, aucun bruit ne parvenait de la maison, Yann et papa jouaient dans le jardin. Je l’ai vu poser son sac, s’essuyer rapidement les yeux dans la cuisine avec un mouchoir humide, elle ne voulait certainement pas que Yann la voit dans un état pareil. Elle s’est mise devant la porte vitrée de la cuisine qui donnait sur le jardin. Là, elle a regardé son fils jouer avec son mari. Le petit ne savait rien, personne ne lui avait dit que j’étais malade. D’ailleurs, pourquoi dire à un enfant de 7 ans que sa grande sœur va mourir ? Ca n’a pas de sens, il ne fallait pas le faire souffrir avant l’heure. Et l’heure est arrivée car je suis morte.

Maman est restée là, seule, pensive. Elle devait certainement réfléchir à la façon dont elle annoncerait ça au petit. Papa lui, il avait l’air joyeux comme cela, à courir après un ballon en mousse, à tomber et à chahuter avec Yann, mais pas du tout. Il était au courant lui, maman et moi lui avions dit dès que nous étions rentrées de l’hôpital avec les résultats de mon analyse. Il avait fait une drôle de tête ce jour là je me souviens. Puis il était parti seul dehors. Il était revenu une heure plus tard et depuis, il m’a toujours emmenée faire plein de truc. D’ailleurs si je connais si bien les parcs d’attractions c’est grâce à lui. Et mon séjour à l’hôpital n’aura pas été aussi supportable si je n’avais pas reçu chaque jour un nouveau bouquet, une nouvelle tablette de chocolat et un nouveau dessin de la part de Yann, que maman forçait à dessiner en disant que je serais contente de le recevoir. Yann savait que j’étais à l’hôpital, simplement il pensait que j’avais une simple crise d’appendice. C’est si facile de mentir. Comme papa à ce moment là, souriant, riant, alors qu’au fond de lui il explosait, rongé par la peur, par le désespoir. Quand il a vu maman, il a stoppé net sa course, il a couru vers elle et a ouvert la porte en grand. Il a vu les larmes sur ses joues, ses yeux rouges, ses mains tremblantes, son regard vide. Il a comprit. Yann s’est avancé, intrigué par les larmes de sa mère, sans doute les premières qu’il lui voyait, alors que je lui en avais fait couler tant et tant. Papa l’a prise dans ses bras, callant sa tête sur son épaule, et il a pleuré. Il a pleuré et elle a pleuré. Mon petit frère n’a pas compris tout de suite, puis, d’une voix douce et si calme il a demandé :

_ Elle est où Marine ?

Papa s’est redressé net, sous le choc. Maman s’est assise, la tête dans les bras, secouée par d’énormes sanglots. Yann a commencé à paniquer.

_ Elle est où Marine ?

Papa l’a regardé, il avait l’air inquiet, le pauvre petit trésor. J’ai vu une larme couler sur la joue de mon petit frère. Papa la pris dans ses bras, s’est assis et l’a mis sur ses genoux.

_ Marine est partie Yann, tu comprends ? Elle était fatiguée, malade, perdue. Elle est partie Yann, partie.

_ Mais elle est où ?

Et maman, surmontant ses pleures, est venue relayer papa en répondant une fois pour toute à sa question :

_ Elle est dans les étoiles mon chéri. Notre ange est dans les étoiles.

_Pourquoi elle veut plus rester avec nous ?

Des nouvelles larmes ont coulé sur les joues de cet enfant si triste, si seul tout d’un coup devant une réalité et une vérité qu’il n’aurait jamais imaginées.

_ Bien sûr que si… a répondu maman, la voix nonchalante, les épaules affaissées. Bien sûr qu’elle aurait voulu rester avec toi. Mais elle n’a pas pu. J’ai tout ce que j’ai pu pour la garder. Mais elle est partie, elle n’avait pas le choix. Mais sois certain qu’elle serait toujours là, à veiller sur toi.

_ Mais moi je veux pas qu’elle veille sur moi ! Je veux qu’elle soit là ! Là haut elle sert à rien ! Elle avait dit qu’elle resterait avec moi !

Yann s’est mis à pleurer à chaudes larmes. Il ne voulait pas croire cela. C’était impossible pour lui que je puisse partir sans lui, que je le laisse seul avec les parents, seul sans personne avec qui jouer le soir, personne pour lui raconter des histoires quand ni papa ni maman ne sont rentrés du travail, personne non plus pour le chatouiller dans le bain du samedi soir, après le film à la télé. Désormais il serait seul car je l’ai laissé. Je suis partie sans lui. Je le vois pleurer. J’ai tellement envie de le serrer dans mes bras, de lui dire que tout ceci n’est qu’un rêve, un mauvais rêve. Mais non, voilà je suis morte, il faut qu’ils l’acceptent, je l’ai bien fait moi. Papa s’est approché de maman et de Yann et tout trois pleurent désormais en silence, les uns dans les autres. Ils pleurent sur mon sort, pauvre malade. Et moi alors que dois-je faire ? Comment faire pour les atteindre ? Ah non bien entendu je ne peux pas. C’est injuste ! Pourquoi devrais-je rester là à les observer ? Ca ne sert à rien, sinon à me faire encore plus de mal. Mais je ne suis pas censée être au paradis ? Mince à la fin !

Maman s’est relevée, elle a pris Yann dans ses bras et l’a ramener dans sa chambre. Il dort, assommé par l’émotion. Il va dormir toute l’après midi d’ailleurs car il est désormais 15 h 30. Je ne peux pas m’empêcher de le regarder dormir, si tranquille, si beau. Mon petit frère. Maman aussi est allée se coucher. Elle a fermée la porte à clef, je me dis que je ne devrais pas l’observer. Papa est dehors, dans le jardin. Il est assis sur la balançoire que j’aimais tant. Je me souviens que je voulais aller jusqu’au ciel quand j’étais petite. Et je n’y suis toujours pas. Pourquoi ? J’ai quelque chose à faire ? Ou bien est-ce que le paradis ça n’existe pas et que quand on est mort on est obligé de regarder les autres vivrent ce que l’on a pas vécu ? Ce n’est pas juste. Maman a dit « ange » tout à l’heure. Mouais « ange déchue » plutôt maman, je ne suis même pas capable de faire quelque chose pour vous. C’est vrai qu’au moins ici je n’ai plus mal. Mais si j’avais eu le choix, je serais rester mille ans à souffrir pour pouvoir rester près d’eux. Ou alors faites moi partir loin d’eux, ne me laissez pas entre les deux. Ne me laissez pas là !

*                                                       *                                                     *

Aujourd’hui, je suis au paradis. Mon vœu a été exaucé. Je sais que j’avais une famille, mais combien étions nous ? Trois enfants peut-être…ou alors j’étais fille unique. Est-ce que j’avais un compagnon ? Quel âge j’avais ? De quoi suis-je morte ? D’un cancer, du sida, d’un accident de la route… de tout ça à la fois ? Je ne me souviens plus. Je suis si bien ici que de toute manière je ne veux pas savoir. Et puis c’est bien simple, je ne peux pas savoir, c’est la clef : la clef de mon paradis.

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Commentaires
P
ce poéme ai si bo il ai trp triste par contre loul !! jspr ke tu va continuer a en écrire car je l'ai lis tous bsxxx
M
Waouw... c'est beau, c'est poignant.....
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